« Naufragés »

Dessins et peintures
Exposition personnelle à la New Heart City Gallery, 75003 Paris.
Du 23 septembre 2011 au 18 octobre 2011

En 2010, Rebecca Solnit partait d’une photo parue dans le
Los Angeles Times pour développer son analyse du traitement
médiatique du tremblement de terre en Haïti. Elle titrait son
article : « When the media is the disaster ». Selon Solnit, les grands
quotidiens traitaient le drame sous l’angle du sensationnalisme
et de la peur, les émeutes succédant au tremblement de terre
comme dans un enchaînement de catastrophes sans fin ni sens.
La sévérité du jugement de Solnit peut toutefois surprendre. En
effet, les calamités sont depuis longtemps au centre de nombreuses
représentations. L’histoire offre de multiples exemples
de mise en image du malheur des hommes.

On peut citer la tradition iconographique de l’Apocalypse au
Moyen Age qui offrait au croyant des visions d’horreur. Ou
encore, au début du XIXe siècle, A.J. Gros qui, dans Les Pestiférés
de Jaffa, peint Napoléon, général en chef d’une Armée d’Orient
décimée par la maladie. Toutefois, ces images, elles aussi destinées
à un large public, développaient une narration à partir de
l’histoire biblique, mythologique ou contemporaine. Au-delà de
l’évènement et de l’effroi qu’il suscitait, elles étaient porteuses
de sens. Ainsi, dans les représentations de l’Apocalypse le fidèle
était avant tout invité à « contempler le ciel par une porte entrouverte »
(Ap. IV., 1), L. Rivière Ciavaldini ; chez Gros, Napoléon était paré
de la dignité et de l’aura d’un Empereur thaumaturge.

Julien David puise malicieusement dans la tradition de ces
enlumineurs et peintres pour mieux raconter son époque.
Il s’immerge dans le cortège d’images sans fin qui forge notre
propre représentation de la réalité quotidienne où sont juxtaposés
cataclysmes, stars, scandales politiques, compétitions
sportives, crashs financiers planétaires et faits divers scabreux.
Il reprend les codes de ces bestiaires contemporains pour brosser
la satire d’une actualité caricaturale elle-même sans cesse
tansformée en spectacle. Détournant Géricault et J.L. David, il
procède en peintre, composant pour construire des récits qui
s’articulent autour d’une même question, pivot d’un balancier
oscillant entre drame et humour : qui sont les naufragés de
notre temps ?

Samir Omar

 

« Shipwrecked »

Drawings & paintings
Personal exhibit at the New Heart City Gallery, 75003 Paris
September 23rd, 2011 to October 18th, 2011

In her 2010 article « When the Media is the Disaster », Rebecca Solnit
analyzed media coverage of the earthquake in Haiti based
on photographs published in the Los Angeles Times. According to
Solnit, major dailies used sensationalism and fear-mongering in
their coverage of the tragedy, depicting the post-quake riots as a
series of senseless catastrophes spiraling out of control. Though
the severity of Solnit’s assessment may come as a surprise to
some, calamity has long been a favorite subject of representation.
Indeed, history is rife with depictions of human suffering.

We might cite traditional medieval depictions of the Apocolypse,
which kept believers supplied with visions of horror,
or A.J. Gros’ early twentieth-century « Les Pestiférés de Jaffa »,
which portrayed Napoleon as the chief of an army decimated
by plague. These images, which were also intended for a wide
audience, developed narratives rooted in biblical history, mythology,
or current events. In addition to depicting tragedy and
eliciting a sense of awe in the viewer, these representations
were intended to create meaning. Thus, in depictions of the
Apocalypse, the believer was above all invited to « contemplate
the heavens through an open door » (Ap. IV., L. Rivière Ciavaldini). In
the aforementioned work by Gros for example, Napoleon exudes
the dignity and aura of an Emperor who is also a miracle-worker.

Julien David mischievously draws on this artistic tradition to
better tell the story of his own times. He immerses himself
in the endless stream of images that forge our own representations
of daily life—juxtaposing cataclysms, celebrities, political
scandals, sporting events, global financial crises and sleazy
headlines. He uses the codes of these contemporary bestiaries to
satirize our cartoonish reality, which is itself constantly being
turned into spectacle. Spoofing Géricault and Jacques-Louis David,
his painterly works construct narratives around a single
questions that skirts the delicate line between tragedy and humor:
who are the shipwrecked of our times ?

Samir Omar